lundi 7 mai 2018

Dominique Ouattara : « En Afrique, le développement d’une économie verte passe par les femmes »


Les inégalités liées au genre coûtent chaque année près de 100 milliards de dollars au continent africain, selon les estimations du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).


Les femmes ont un rôle essentiel à jouer dans le développement d’une véritable économie verte en Afrique. C’est une conviction solidement ancrée, partagée avec mes sœurs épouses de chefs d’Etats africains, que j’ai eu l’honneur de réunir en marge du 5e sommet Union Africaine –
Union européenne, qui se tenait le 29 novembre dernier à Abidjan.
Au menu de nos travaux, « la place de la femme dans l’économie verte ». Alors qu’aucun pays n’est épargné par les bouleversements climatiques observés partout sur la planète, les premières victimes de ces changements sont aussi les plus vulnérables : les femmes. Par ailleurs, il faut rappeler que les inégalités liées au genre coûtent chaque année près de 100 milliards de dollars au continent africain, selon les estimations du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

« Lorsqu’on n’exploite pas le plein potentiel des femmes, cela a un coût, que ce soit au niveau de la famille, de la communauté ou de la nation », rappelle Helen Clark, directrice du PNUD. Si 61 % des femmes africaines travaillent, elles sont encore souvent sous-payées. Alors qu’elles représentent 70 % de la force agricole du continent et produisent 90 % de ses denrées alimentaires, les femmes africaines, dans certains pays, ne peuvent toujours pas hériter ou posséder de terres, et donc emprunter de l’argent. « Même si elles travaillent dur, les femmes produisent moins », conclut Helen Clark. Mais il n’y a pas de fatalité. Non seulement l’égalité homme-femme représente un puissant levier économique pour l’Afrique, mais en plus, l’une des solutions au réchauffement climatique reste l’implication des femmes dans l’économie verte. Il s’agit d’un nouveau modèle économique qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à préserver les ressources naturelles de notre planète.

Fonds Vert pour les femmes.

Trois facteurs majeurs sont indispensables pour que les femmes africaines prennent toute leur place dans cette économie verte : le renforcement de leurs capacités et compétences ; le transfert de technologies ; le financement des projets – ce dernier point étant l’épine dorsale de toute activité de développement durable, car il donnera aux femmes les moyens de mettre en œuvre leurs projets.
C’est pour cette raison que j’appuie la mise en place rapide du Fonds Vert R20 pour les femmes, dont j’ai été heureuse d’accepter la Présidence pour l’Afrique. Initié par l’ancien Gouverneur de
Californie, Arnold Schwarzenegger, ce fonds doit être effectif le plus vite possible afin d’accompagner les projets de nos sœurs sur le continent. Comme l’a déclaré sa Présidente,
Madame Michèle Sabban, l’objectif de ce fonds est de « déclencher des vocations grâce à cette économie, donner des espérances et créer des opportunités ». Le rôle économique des femmes est indéniable ; elles doivent être au cœur des politiques et stratégies pour un développement durable et efficace. Le Fonds Vert R20 renforcera les capacités de nos sœurs à mieux appréhender les enjeux économiques et sociaux de leurs activités, financera des projets d’émancipation et d’autonomisation des femmes et permettra à celles-ci d’avoir accès à des outils innovants, afin d’améliorer leur productivité – tout ceci, en prenant soin de l’environnement. C’est ce à quoi s’attache, au Maroc, Fathia Bennis. A la tête de Maroclear, le dépositaire des titres de la Bourse de Casablanca, cette femme courageuse a rejoint le Fonds Vert R20 et propose des micro-crédits aux Marocaines. Cinq projets innovants ont été sélectionnés, parmi lesquels le développement de graines de semences sans pesticides ; ou encore au Mali, le recyclage des déchets.

« Il faut que ces projets créent de l’emploi et de la formation, explique Fathia Bennis. Il s’agit aussi de leur offrir de la visibilité pour qu’elles inspirent d’autres femmes ».

De « l’or rose » à « l’or vert ».

En Côte d’Ivoire, jamais les femmes n’ont eu autant envie d’entreprendre et d’être au cœur de cette nouvelle économie verte. Cette énergie, c’est ce que notre ministre de la Salubrité urbaine et de l’Assainissement, Anne Désirée Ouloto, appelle « l’or rose » de l’Afrique. Comme elle l’a récemment rappelé, les bénéfices de la transition énergétique pour les femmes sont multiples : réduction de la pénibilité des tâches domestiques, autonomisation et émancipation, etc. Responsable de seulement 4 % des émissions de gaz à effet de serre, l’Afrique est pourtant le continent « qui paiera le plus lourd tribut » du réchauffement climatique, ne cesse de répéter l’ancien Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Le continent a donc le devoir d’innover pour pouvoir s’adapter. A problèmes inédits, solutions inédites : il nous faut trouver un autre modèle de développement que celui fondé sur l’exploitation illimitée de nos ressources naturelles. Au-delà de la menace, le réchauffement climatique peut représenter une opportunité à saisir. La croissance verte est plus que jamais une solution d’avenir pour les femmes du continent. Alors, comme nous y invite le hashtag de la campagne lancée sur Twitter par le Fonds Vert R20 :
#GoGreenWomen !

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